Mes
Surs de Sainte-Anne
LISE
PAYETTE
Tout
au long de ma vie, jai répété à qui
voulait lentendre, tout ce que je devais aux Surs de Sainte-Anne.
Sans elles, je ne serais certainement pas devenue ce que je suis devenue.
Pour le meilleur et pour le pire.
Je suis née dans Saint-Henri,
un quartier ouvrier bien connu de Montréal. Jai eu la chance
de naître dans une famille honnête au sein de laquelle on
cultivait une belle liberté de penser assez rare à cette
époque. Cétait important car dans une famille moins
honnête, jaurais peut-être mal tourné.
Jai fait toutes mes études
chez les Surs de Sainte-Anne. Elles étaient les seules
à dispenser le savoir en milieu ouvrier. Si elles étaient
préoccupées de nous apprendre à lire et à
écrire le français correctement, elles nous apprenaient
aussi à compter dans la même langue. Elles prenaient aussi
le temps de nous mettre une tête sur les épaules et de
former nos esprits et notre jugement.
Dans un quartier où on valorisait
la soumission, elles encourageaient la rébellion. Pas celle de
la rue et des manifestations, mais celle de lintelligence et du
cur. Elles mont appris que je pouvais devenir ce que je
voulais dans la vie et quaucune barrière ne serait trop
haute à franchir. Je les ai crues.
Je me souviens particulièrement
de certaines dentre elles, celles qui ont accompagné ma
découverte de la vie avec ses beautés et ses misères,
celles qui mont poussée vers lavant de la scène
en me chuchotant que « jétais capable »,
celles qui mont donné confiance en moi quand jen
avais le plus besoin.
Un jour, alors que jétais
Ministre, elles se sont présentées devant moi en Commission
parlementaire pour solliciter un amendement à leur loi constituante
qui était sous ma responsabilité. Cest la seule
fois où jai cédé à un lobby. Je leur
aurais donné la lune si elle me lavait demandée.
Parce que cest ce que ça aurait pris pour que je leur rende
un peu de ce que je leur devais déjà.
Ma reconnaissance leur est acquise à
tout jamais.
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