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Une
histoire dalliances au Québec
pour contrer le trafic des êtres humains
Depuis
une vingtaine dannées, des surs travaillent avec
les groupes de femmes et apportent leur contribution pour améliorer
la vie des femmes dici et dailleurs. Cette complicité
riche de mutualité, manifeste lors de la Marche « Du
pain et des roses » en 1995 et des Marches mondiales de 2000
et 2005, a grandement favorisé laction pour dénoncer
le trafic des femmes et des enfants à travers le monde et pour
inventer des alternatives favorables aux victimes. Le partage dune
même analyse et les luttes menées ensemble sur le terrain
de la pauvreté et de la violence envers les femmes nous prédisposaient
à unir nos forces pour contrer ce fléau mondial.
Quand
lUnion internationale
des Supérieures majeures (UISG) a invité les religieuses
du monde entier à agir ensemble pour contrer le trafic des femmes
et des enfants à Rome en 2001, les Réseaux de justice
sociale à lintérieur de plusieurs Congrégations,
déjà engagés avec les femmes du Québec,
ont saisi lopportunité dinviter quelques groupes
préoccupés de ce trafic. Dabord lidée
de sensibiliser la population au moyen dune pièce de théâtre
fut accueillie avec enthousiasme. Un groupe de recherche de lUQAM,
lAssociation
des aides familiales du Québec, le Regroupement provincial
des Centres daction et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel (CALACS) ont généreusement apporté
leur expertise pendant ces journées de cueillette de données
animées par le Théâtre
Parminou. Traduite en anglais, la pièce « Perdues
dans le trafic » a fait le tour du Québec et de lOntario :
au-delà de trente représentations, et ça continue.
Partout cette pièce de théâtre sème lindignation
et suscite lengagement. Comment aller plus loin?
CATHII
En
septembre 2004, les groupes mentionnés ci-haut sont prêts
à poursuivre laction commune. Un comité de stratégies
daction est formé auquel sadjoignent dautres
organismes : lAssociation des religieuses pour la promotion
des femmes (ARPF) et la Conférence
religieuse canadienne (CRC) qui ont déjà choisi le
trafic comme priorité daction. Font partie aussi de ce
Comité daction contre le trafic humain interne et international
(CATHII) six congrégations reliées à une ONG onusienne.
Quelques chercheures universitaires et une représentante du Service
de Police de Montréal complètent ce comité
de 17 personnes.
Son
rôle : analyser et choisir des stratégies daction
en vue de contrer le trafic. Toutes les personnes autour de la table
représentent des têtes de réseaux et se rendent
responsables de linformation à transmettre et de lengagement
concret dans leur propre réseau. Des réunions mensuelles
permettent dassurer le suivi du plan daction à trois
volets : recherche sur la réalité du trafic et sur
les lois canadiennes et internationales en lien avec le trafic; formations
offertes en vue de laction : session de sensibilisation et
session de lobbying à travers le Québec; enfin, ressources
à envisager pour lhébergement et laccompagnement
des victimes. De plus, ces rencontres sont le lieu de partage de nombreuses
informations, doutils danimation ou darticles écrits
au bénéfice dun groupe particulier. Les membres
qui ont participé à des activités qui touchent
le trafic rapportent lanalyse et le contenu propice à la
mise à jour de la conjoncture. Ainsi le Comité offre une
formation continue fort appréciée.
Quelques
membres de CATHII ont créé une session de sensibilisation
sur le trafic des femmes et des enfants et lont animée
dans six régions différentes au Québec, rejoignant
ainsi plus de mille personnes. Une autre session de formation « sur
mesure » continue de préparer des religieuses et des
laïques à rencontrer leurs représentants politiques
fédéraux. Un Guide de lobbying résume les propositions
à défendre auprès des éluEs, compte-tenu
des lois internationales et de limplication du Canada sur son
propre territoire. Cette session de lobbying est aussi disponible en
anglais. Pour ce qui est du besoin dhébergement pour les
femmes trafiquées, identifié comme un élément
important dans le plan daction annuel, une Congrégation
religieuse a accepté temporairement daccueillir ces femmes
en cas durgence. Ce qui nourrit le rêve douvrir à
Montréal la première maison daccompagnement des
femmes victimes du trafic : un sous-comité de CATHII y travaille
déjà.
Le
CATHII a rencontré en cours dannée le personnel
du Bureau international
des droits des enfants (BIDE) pour échanger des informations
sur nos plans dactions respectifs. De part et dautre, deux
personnes assurent la collaboration entre les deux groupes.
CLES
Le
CATHII a décidé de faire partie de la Concertation des
luttes contre lexploitation sexuelle (CLES) créée
en novembre 2004, car une bonne proportion du trafic est étroitement
lié à lexploitation sexuelle des femmes et des enfants.
Plusieurs religieuses déjà engagées dans laccompagnement
des femmes victimes de violence ont développé une analyse
féministe et sont prêtes à joindre les rangs de
cette nouvelle coalition avec les Centres
daide et de lutte contre les agressions à caractère
sexuel (CALACS), la Marche
mondiale des femmes, le Collectif
masculin contre le sexisme, le Bureau
international des droits des enfants, les chercheures de lUniversité
du Québec à Montréal et en Abitibi, le Café
Graffiti et le Journal de la Rue qui sont tous les deux en lien
avec des femmes prostituées dans un quartier populaire. Parmi
les membres de CLES, il faut souligner deux auteurEs de livre : Yolande
Geadah et Richard Poulin qui ont publié respectivement La prostitution,
un métier comme un autre? et La mondialisation des industries
du sexe.
Le
trafic des femmes et des enfants alimente le système prostitutionnel
à linterne et à linternational. Nous ne pouvons
pas travailler contre le trafic à Montréal sans tenir
compte du contexte politique canadien. En effet, un sous-comité
parlementaire vient deffectuer une tournée de consultation
à travers le Canada en vue de réviser les lois sur le
racolage (sollicitation prostitutionnelle). En même temps, en
mai 2005, lorganisme STELLA a organisé le Forum XXX qui
a réuni à Montréal des femmes prostituées
de plusieurs continents. Celles-ci veulent être reconnues comme
des travailleuses du sexe; ainsi elles réclament la légalisation
de la prostitution comme solution à la répression quelles
subissent. Le 16 mai dernier, la CLES a profité de cet événement
pour faire une conférence de presse qui a été bien
couverte par les médias officiels. Dans sa Déclaration
de principes, la CLES rappelle « que nous croyons quun
monde libéré de la prostitution est possible, que lindustrie
du sexe est profondément sexiste et raciste, quelle est
fondée sur les inégalités entre les hommes et les
femmes, entre les ethnies, entre les riches et les pauvres et entre
les pays du Nord et du Sud. Que personne ne naît prostituée
ou client
mais quon le devient! Que la prostitution nest
pas un métier comme un autre
tout en refusant la répression,
la discrimination et la criminalisation des personnes prostituées. »
Le
Cathii et la CLES font du lobbying auprès des gouvernantEs
Dune part, la CLES participe à la Commission canadienne
sur le racolage en présentant sa vision et sa crainte des impacts
de la légalisation de la prostitution quant à la banalisation
de la prostitution et laugmentation du trafic des femmes et enfants.
Dautre part, le Cathii soutient des équipes qui visitent
le ou la députéE de leur comté pour les sensibiliser
à la situation du trafic, à la nécessité
de protéger les victimes et pour partager leurs inquiétudes
quant à la légalisation de la prostitution. Par la même
occasion, elles attirent lattention sur le projet de loi C-49
déposé à la Chambre des Communes par le Ministre
de la Justice, Monsieur Irwin Cotler, qui veut mettre un frein au trafic
des personnes.
Partenaires
internationaux
Autant
les Nations-Unies affirment quil y a un trafic international de
4 millions de femmes et enfants dans le monde
autant ce nest
pas évident didentifier des femmes trafiquées dans
notre milieu. Cela exige tout un effort de concertation des groupes
de recherche et daction pour agir localement à Montréal,
au Québec et au niveau national. Lindustrie du trafic est
tellement mondialisée que même en travaillant localement
nous sommes inévitablement en lien avec des partenaires internationaux.
Au
niveau international, le Cathii travaille en collaboration avec deux
ONG ayant un statut consultatif au Conseil économique et social
de l'ONU. Dabord avec Unanima International grâce
à la participation de quatre congrégations religieuses :
Les Surs de Ste-Anne, Les Surs de la Congrégation
de Notre-Dame, Les Surs de la Providence et les Surs des
Saints-Noms de Jésus et de Marie, qui sont à la fois membres
du Cathii et dUnanima International, ce regroupement de douze
congrégations religieuses présentes sur les cinq continents.
Unanima international travaille aux Nations-Unies sur le dossier du
trafic des femmes et des enfants. De plus, une membre du CATHII appartient
à la Famille franciscaine, congrégations de femmes, dhommes
et de laïques, et nous relie à Franciscans International.
FI
regroupe environ un million de personnes à travers le monde,
dont plus de 5000 au Québec. FI a deux bureaux, situés
près des deux principaux sièges de l'ONU, à New-
York et à Genève. Depuis déjà quelques
années, FI se préoccupe du problème de la traite
des femmes et des enfants à des fins d'exploitation économique
et sexuelle et s'efforce de lutter contre ce fléau, en s'appuyant
sur le travail des franciscaines et franciscains à travers le monde.
Quant
aux Filles de la Sagesse, le trafic des femmes et des enfants fait partie
des priorités de cette Congrégation internationale. Notre
participation à la CLES nous relie encore aux femmes des cinquante-trois
pays de la Marche mondiale des femmes et nous fait bénéficier
de lexpertise de plusieurs personnes-contacts dans certains pays
qui résistent à la légalisation de la prostitution,
comme Gunilla Ekberg de la Suède. De plus, le 26 mai dernier,
la CLES a invité Madame Indrani Sinha de lInde qui, lors
dune conférence publique, a parlé de son travail
auprès des enfants des femmes prostituées depuis 1987.
Ainsi tout en travaillant localement dans différents milieux,
nous mondialisons nécessairement nos solidarités.
Céline Dubé,
CND et Lise Gagnon, SNJM
Montréal, le 21 juin 2005
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